L’année 2023 fut pour le moins chaotique.
Hiver
En 2022 je quittais mon boulot car épuisé. Comme souvent, voir toujours, dès qu’il n’est pas accaparé par le travail mon esprit vagabonde à penser et étudier les mille et unes possibilités qui pourraient s’offrir à moi. Mais surtout, j’aime m’imaginer entreprendre. De l’édition aux levés topographiques par drones, ou encore le savon, ça infuse, et si ça ne semble pas déconnant je peux passer des dizaines, voir centaines d’heures à étudier le sujet, faire un business plan. Puis j’air peur.
En octobre 2022 un ancien collègue me propose un poste dans l’entreprise ou il travaille, en Bretagne. Je rencontre les équipes et signe pour une prise de poste début janvier.
C’est là que tout devient plus compliqué. Début décembre je vois soudainement flou de l’œil gauche. Je ne m’inquiète pas plus que ça et me dis que ça n’est que la fatigue. Quelques jours après je rate mon permis de conduire (oui, il arrive qu’à plus de trente ans on ne l’ai toujours pas).
Un peu avant Nöel je me décide à consulter et…rien. L’ophtalmo me fait examiner par deux fois et me redirige en urgence vers un spécialiste en neurologie.
Ce second ophtalmo voit directement quelque chose, mais rien de neurologique, il me redirige donc lui aussi vers un confrère du même cabinet qui confirme le diagnostic : ma cornée se déforme toute seule (en plus d’autres choses).
A 48h de mon déménagement j’apprends donc que sois je me fait opérer dans l’année, soit je laisse traîner, ma cornée pouvant continuer ou pas à se déformer à sa guise jusqu’au jour où les corrections par des verres et des lentilles spéciales ne seront plus possibles. Il faudra alors effectuer une greffe.
Je déménage en Bretagne en n’ayant pas encore digéré la chose.
Printemps
A mesure que les températures se réchauffent, mon intérêt pour mon job décroit. Ma compagne avait bien remarqué au bout de trois mois que je commençais à m’ennuyer, remarque à la quelle j’avais répondu par la négative sans trop de conviction.
En mai je m’aperçois qu’un inconnu m’a laissé des messages sur Instagram et Facebook. N’y allant guère je ne les lis qu’une semaine après. Mon père et mort.
Il n’était pas tout jeune et je n’avais plus de contacts avec lui depuis vingt ans.
Tout de même, ça fait un choc. Je ne sais pas toujours pas si c’est sa mort ou le fait qu’il se la soit donnée qui m’a remué. Probablement les deux.
Été
A la toute fin août, en sortant d’une réunion avec le PDG dont j’étais satisfait, j’apprends quelques heures plus tard que « je suis dangereux » et qu’il faut me dégager. C’est ce que mon N+1 et mon N+2 me racontent en regardant leurs pompes.
En quoi ? Je ne le saurais jamais, la seule explication que j’eu de mes supérieurs fut un « c’est un délit de sale gueule, y’a rien à comprendre » tout en affirmant eux-même n’avoir aucune explication.
J’ai beau être franc du collier, je reste plus proche du golden retriever que de Attila.
Ils demandent du factuel, mais n’ont rien en retour.
Le lendemain matin le Président fait le tour du site, relève des valeurs et fait des photos.
48 heures après mes supérieurs reviennent vers moi avec enfin du « factuel ». Ils me confrontent lors d’une réunion ou nous sommes tous les trois.
Sortent une dizaine de points, des valeurs incohérentes et surtout mal interprétées mais pas de photos. Si bien que j’ai un rire nerveux en demandant « c’est tout ? Vraiment, c’est tout ? ». Je retoque donc chaque point en expliquant chaque valeur et pourquoi la personne qui les a relevées se trompe. Je double la chose par un tour complet du site en leur présence pour appuyer mes explications par du concret. Au mieux cela démontre l’incompétence crasse du-dit PDG, au pire cela montre une volonté de nuire sans s’attacher à la cohérence des arguments avancés.
Deux semaines passent, alors que mes supérieurs pensent que le PDG est passé à autre chose, je redoute chaque jour de le croiser ou d’apprendre quelque chose de nouveau. D’autant que pas une heure ne passe sans que je ne comprenne la situation.
Lors d’une réunion de direction on fini par me demander de sortir, inutile d’être très perspicace pour se douter que le prochain sujet évoqué sera ma personne. S’en suivra une phrase du PDG au N+2 qui m’a été racontée et qui résume bien la chose « tu t’en occupes ou je m’en occupe ?« .
Automne/Hiver
Me voilà donc entre des histoires de notaire et l’attente de la suite de ma carrière pro. J’avance donc sur le fait que je suis prêt à partir sous forme de rupture conventionnelle et un bon billet. Quelques réunions pour la forme et on signe. Dans la foulée je me fait opérer en octobre et me retrouve incapable de voir plus qu’à dix mètres pendant un mois.
Résultat, fin de contrat à la mi-novembre, un beau chèque, et toujours l’absence de raison à tout ça. Le départ s’est fait sans la moindre annonce, les gens l’ont appris au fur et à mesure. Après tout, en un an je ne suis que le troisième responsable à « disparaître » avec un chèque.
J’ai tout de même cru comprendre au fil des semaines que le N+2 avait ouvert ce poste avec l’accord de la direction et leur promettant monts et merveilles lorsque l’offre aurait été pourvue. Sauf que rien de tout ça ne s’est retrouvé sur l’offre ou la fiche de poste. Résultat des courses, un poste non pourvu pendant un an, un déménagement à l’autre bout de la France pour…rien. Si ce n’est que tout ça m’aura fait passer l’envie de travailler pour une PME.
2024
J’ai accusé le coup. Beaucoup. Dans la région il n’y a rien pour moi, je suis dans un domaine de niche et la majorité des postes sont à Paris. Et surtout j’ai du mal à digérer et à comprendre le sens de tout ça.
Je m’inquiète du fait de retrouver quelque chose, je me remet à imaginer fonder ma boite, et reste simplement figé.
Je fais des entretiens, dont certains dans de très belles entreprises, mais reste sélectif. On tombe sur du « le profil nous plaît mais quelqu’un en interne s’est positionné » ou du « vous êtes trop jeune » (plus tant que ça, et peut-être seriez-vous gagnant à indiquer le nombre d’années d’expérience requises pour postuler. Après tout ça ne fait que deux ans que vous republiez toutes les semaines votre offre sans jamais trouver personne. J’ai fini par apprendre que dans ce cas là, le souci est rarement le profil des candidats, mais l’entreprise).
Finalement je vais au bout du processus avec deux entreprises, et signe évidemment avec l’une d’entre elle.
Me voilà donc à re-déménager droit vers l’enfer : la région parisienne.
Les choses positives sont que j’y vois à nouveau clair, j’ai enfin mon permis (cinq mille bornes en trois mois, j’en suis pas peu fier), et un nouveau job. Tout s’est un peu enchaîné, et mon égo est tout de même satisfait de voir que mon profil plaît jusqu’au CNES qui m’a malheureusement contacté trop tard. Auquel cas, ils auraient été en haut de ma liste.
